Discours du Directeur général de l’OECO à l’occasion de l’adhésion de Saint-Martin à l’Organisation des États de la Caraïbe orientale

Déclaration officielle du Directeur général de l’OECO

Anse Marcel, Saint-Martin

19 mars 2025

Aujourd’hui, l’histoire et la géographie se sont conjuguées pour nous mener à un moment exceptionnel : l’adhésion officielle de Saint-Martin à l’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO). Au nom de la famille de l’OECO, je tiens à adresser nos plus chaleureuses félicitations et un sincère message de bienvenue au peuple et au gouvernement de Saint-Martin. Votre inclusion nous permet de comprendre plus profondément l’unité de notre espace, prouvant une fois de plus que, malgré les arrangements politiques ou constitutionnels variés de nos territoires, la mer des Caraïbes qui nous unit est plus forte que toutes les lignes tracées par l’histoire.

1. La portée de ce moment

Depuis plus de quatre décennies, l’OECO constitue un modèle pionnier d’intégration régionale – un modèle qui reconnaît la nécessité de s’unir pour relever nos défis communs. Formée initialement par un groupe de territoires anglophones, nouvellement indépendants ou non-indépendants, cette famille n’a cessé de s’agrandir. Lorsque la Martinique nous a rejoints en 2015, suivie par la Guadeloupe en 2019, nous avons brisé l’idée ancienne selon laquelle cette organisation devait rester exclusivement anglophone. Nous avons reconnu la réalité profonde : celle de nos eaux partagées, de nos cultures entremêlées, et de notre aspiration collective à un avenir prospère et résilient, au-delà des langues ou des héritages coloniaux.

L’adhésion de Saint-Martin marque une nouvelle étape dans cette histoire en devenir de la Caraïbe orientale. Vous rejoignez une communauté qui accueille avec enthousiasme les voix françaises, anglaises et créoles qui résonnent à travers nos îles. Au fil des années, la Martinique et la Guadeloupe ont démontré que l’harmonie dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la culture, du commerce et de la protection de l’environnement se renforce naturellement lorsque nous ouvrons nos bras les uns aux autres – conscients des différences qui nous façonnent, mais ancrés dans cette identité caribéenne commune qui nous appelle à l’unité.

2. Les leçons de la Martinique et de la Guadeloupe

Lorsque la Martinique a franchi l’étape historique de rejoindre l’OECO, nous avons rapidement constaté son intégration dans des initiatives régionales clés, allant du marketing touristique commun à la coopération dans le secteur de la santé. Aujourd’hui, sa participation active dans les comités techniques de l’OECO a donné lieu à de précieux échanges dans les domaines des soins de santé, de la préparation aux urgences, des festivals culturels et de la formation des enseignants. Peu après, l’adhésion de la Guadeloupe a renforcé ces synergies – réaffirmant que notre région est plus dynamique et plus complète lorsqu’aucune partie de notre archipel ne reste isolée.

L’expérience concrète de la Martinique et de la Guadeloupe en tant que Membres Associés nous a appris au moins trois choses :

  1. Les décisions audacieuses apportent des bénéfices tangibles : malgré la complexité liée à la diversité des statuts constitutionnels, chaque mesure prise - dans la coordination des projets environnementaux, l'harmonisation des protocoles touristiques, mise en commun de l'expertise technique - a porté ses fruits, tant pour les territoires français que pour leurs partenaires de l'OECO.
  2. La diversité culturelle et linguistique nous renforce : l'arrivée de territoires francophones dans ce qui était autrefois considéré comme une « union anglophone » a profondément enrichi la structure de notre intégration. Les échanges de professeurs de langues, les festivals culturels communs et la pollinisation croisée des industries créatives ont ouvert de nouveaux horizons à tous les membres.
  3. Des voies de développement partagées : les vulnérabilités environnementales, la dépendance touristique, l'impératif d'une croissance économique durable et l'impératif culturel d'établir des liens avec nos voisins sont des défis communs qui ignorent les frontières maritimes. L'implication de la Guadeloupe et de la Martinique dans des initiatives telles que les stratégies d'adaptation au changement climatique, les innovations en matière d'énergie renouvelable et les projets de transport intégrés illustre les avantages d'agir ensemble plutôt que seul.

Saint-Martin est désormais prête à écrire son propre chapitre dans ce récit en cours. Vos expériences – qu’il s’agisse des services de santé, du tourisme, de l’éducation bilingue ou de solutions numériques avancées – enrichiront l’ensemble de l’OECO, tout comme vous bénéficierez d’un cercle élargi de partenaires, engagés à vos côtés dans les moments difficiles et à célébrer vos réussites dans les moments de succès.

3. Comprendre notre monde VICA

Nous vivons une époque souvent résumée par l’acronyme VICA : Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguïté :

  • Volatilité des marchés, chaînes d’approvisionnement et prix des matières premières.
  • Incertitude liée à la santé mondiale, aux pandémies, aux menaces sanitaires émergentes.
  • Complexité dans les relations internationales, les tensions géopolitiques croissantes.
  • Ambiguïté face au changement climatique, aux disruptions technologiques et à l’évolution du monde du travail.

En tant qu’États insulaires et côtiers de faible altitude, nous savons mieux que quiconque ce que signifie la volatilité — une seule tempête catastrophique peut anéantir des années de développement. Nous connaissons la frustration liée à l’incertitude, qu’il s’agisse de l’imprévisibilité des ouragans ou de l’instabilité de certaines chaînes d’approvisionnement dont nous dépendons pour notre alimentation, notre carburant et notre tourisme. Les complexités de l’ordre mondial actuel exigent de nous agilité et stratégie, et la capacité à forger des alliances qui protègent nos intérêts. Et face à l’ambiguïté — lorsque le changement est constant et que l’avenir est incertain — notre meilleure défense reste la résilience née d’un objectif commun.

Pourtant, si l’archipel de la Caraïbe orientale nous a appris une chose au fil des décennies, c’est qu’une communauté régionale forte et unie peut transformer ces défis en opportunités. La raison est simple : nous sommes les premiers à répondre aux appels à l’aide les uns des autres ; nous sommes les plus grands défenseurs les uns des autres. Lorsqu’une catastrophe naturelle survient ou que les marchés évoluent, nous réagissons plus efficacement lorsque nous agissons ensemble. Dans un contexte mondial marqué par l’imprévisibilité, nous restons solides car nous avons bâti un système de soutien régional au service du bien-être de tous nos membres.

4. L’impératif de l’unité régionale dans un monde en mutation

 

Mesdames et Messieurs, notre monde est devenu, à bien des égards, plus dangereux. Le changement climatique n’est plus une menace lointaine mais une réalité immédiate. La température des océans augmente, provoquant des ouragans plus puissants. La montée du niveau de la mer menace de ronger nos côtes, et les risques de submersions marines peuvent ravager nos communautés et nos infrastructures. Au-delà de ces dangers environnementaux, les crises mondiales — ralentissements économiques, pandémies, ou conflits potentiels — mettent à rude épreuve la résilience des petites îles comme les nôtres.

Mais la plus grande réponse à cette incertitude, c’est la solidarité régionale. Et cette solidarité n’est pas un idéal abstrait — elle se manifeste de manière concrète :

  • Préparation et réponse aux catastrophes : Grâce à l’OECO, Saint-Martin bénéficiera d’un accès immédiat à des dispositifs de planification des catastrophes, au partage en temps réel de données météorologiques, et à des services d’urgence mutualisés. Un ouragan ne demande pas si un territoire est indépendant, britannique ou français — il frappe tout le monde sans distinction. Nous sommes plus en sécurité lorsque nous mutualisons nos ressources pour nous préparer et réagir ensemble.
  • Plaidoyer collectif : Une OECO unie parle d’une voix plus forte dans les négociations mondiales — qu’il s’agisse de financements climatiques, de commerce ou de santé publique. Lorsque nous parlons d’une seule voix, les préoccupations des petites îles résonnent davantage dans les institutions internationales, de Bruxelles à New York, en passant par Genève.
  • Cohésion culturelle et compréhension mutuelle : Notre mosaïque culturelle est unique. Du soca au zouk, du créole à l’anglais en passant par le français, nous incarnons une diversité enviée dans le monde entier. Mais cette richesse culturelle n’a de sens que si elle reste connectée. L’adhésion de Saint-Martin renforce ces ponts culturels, nous permettant de célébrer ensemble le patrimoine immatériel qui forge nos identités, tout en ouvrant de nouvelles voies pour la coopération dans les domaines de l’éducation, de la langue, du sport et des arts.

5. Opportunités concrètes pour Saint-Martin

Saint-Martin apporte à l’OECO un ensemble unique d’atouts : une marque touristique reconnue, des services de santé performants adossés au système français, des communautés bilingues voire trilingues, et des liens établis avec l’Union européenne. Ces éléments profiteront non seulement à Saint-Martin — en ouvrant de nouvelles voies commerciales et projets conjoints — mais renforceront aussi l’OECO dans son ensemble.

  • Intégration économique et commerce : Bien que le statut de membre associé ne signifie pas l’intégration immédiate à l’Union économique de l’OECO, il ouvre néanmoins des voies vers des procédures commerciales simplifiées. Les entreprises de Saint-Martin pourront explorer des liens directs avec les îles voisines, élargissant l’accès aux marchés pour les produits artisanaux, agricoles et touristiques.
  • Coopération touristique : Comme nous l’avons vu avec la Martinique et la Guadeloupe, la promotion de circuits touristiques multi-destinations offre aux visiteurs un itinéraire enrichi, mêlant îles francophones et anglophones. La position stratégique de Saint-Martin et son rôle de hub régional peuvent attirer croisières et yachts cherchant à explorer plusieurs îles — augmentant ainsi les arrivées, au bénéfice de tous.
  • Éducation et échanges culturels : Fort de l’expérience de la Martinique et de la Guadeloupe, Saint-Martin pourra renforcer les échanges étudiants et enseignants, collaborer à l’élaboration des programmes, et améliorer la maîtrise des langues dans toute la région. La mobilité facilitée des chercheurs, artistes et professionnels de la culture favorisera une meilleure compréhension mutuelle et libérera de nouvelles énergies créatives.
  • Collaboration en santé : Saint-Martin pourra partager son expertise en gestion sanitaire tout en bénéficiant du soutien collectif de l’OECO pour la surveillance épidémiologique, l’achat groupé de fournitures médicales et la formation spécialisée. Nous avons vu lors des précédentes crises combien il est crucial d’aligner rapidement les protocoles de santé et de coordonner les réponses.
  • Environnement et climat : Face à l’urgence climatique, Saint-Martin pourra intégrer les projets régionaux de résilience pilotés par l’OECO — de la conservation marine aux énergies renouvelables en passant par la gestion des sargasses — en mutualisant connaissances et ressources.
  • Technologies et innovation : De la transformation numérique à la cybersécurité, l’OECO mène des efforts régionaux ambitieux. L’intégration de Saint-Martin enrichit ce vivier de compétences, tout en permettant à l’île de bénéficier des outils et cadres proposés par la Commission pour renforcer ses capacités.

6. Construire notre avenir archipélagique

Mesdames et Messieurs, l’OECO est reconnue pour sa capacité à transformer la vision en actions concrètes. Dès aujourd’hui, Saint-Martin est invitée à prendre toute sa place à la table des discussions et à s’impliquer pleinement dans les comités, conseils et dialogues qui façonnent l’agenda régional. Saisissons cette opportunité :

  • À nos nouveaux collègues de Saint-Martin : Participez activement aux dialogues en cours sur la santé, la résilience climatique, l’éducation, le commerce et la culture. Proposez des projets pilotes valorisant les atouts de votre territoire et partagez-les avec la région. Vos idées et perspectives enrichissent nos débats et guident notre progrès collectif.
  • À nos États membres de longue date : Accueillons Saint-Martin avec la même chaleur que nous avons manifestée envers la Martinique et la Guadeloupe. Proposons des initiatives de coopération. Apportons notre assistance technique là où elle est souhaitée. Intégrons Saint-Martin aux stratégies touristiques multi-îles, aux projets de recherche environnementale et aux initiatives numériques.
  • À nos partenaires au développement : Nous vous invitons à soutenir et accompagner cette intégration approfondie. Forts du succès de l’intégration de la Martinique et de la Guadeloupe, nous façonnons une OECO plus inclusive, un pont solide entre les sphères linguistiques et géopolitiques. Nous sommes prêts à renforcer l’innovation, le transfert de savoir-faire et le développement durable d’une manière qui peut devenir une référence mondiale.

7. Conclusion

Dans le grand récit de la civilisation caribéenne, chaque nouveau point de convergence — chaque moment de rapprochement — devient une histoire que les générations futures se rappelleront avec fierté. Comme l’a écrit Derek Walcott, même lorsqu’un vase est brisé, « l’amour qui recolle les fragments est plus fort que celui qui prenait sa symétrie pour acquise lorsqu’il était entier ». Aujourd’hui, nous réaffirmons notre engagement collectif à recoller les morceaux longtemps épars de notre archipel caribéen, pour bâtir ensemble quelque chose de plus fort, plus vibrant et plus résilient que jamais.

L’adhésion de Saint-Martin à l’OECO est un hommage au pouvoir indéniable de notre géographie – cette mer commune qui nous relie. C’est une affirmation de notre identité caribéenne, vivante et irrépressible, qui transcende les anciennes frontières coloniales. Et c’est une déclaration audacieuse qu’en ce monde VICA — volatile, incertain, complexe et ambigu — notre unité est le chemin le plus sûr vers l’avenir auquel nous aspirons.

Au nom de la Commission de l’OECO et de toute la famille des États membres, je salue chaleureusement Saint-Martin. Nous célébrons votre arrivée et vous assurons de notre soutien à chaque étape de cette union précieuse que nous continuerons à approfondir et élargir ensemble.

Que nos efforts conjoints deviennent un phare durable de la résilience caribéenne, un exemple de la manière dont les petits États, unis, peuvent se tenir debout dans un monde dangereux et en constante évolution. Restons fermes dans notre objectif commun, en célébrant notre patrimoine commun tout en traçant audacieusement de nouveaux chemins vers la croissance, la paix et la prospérité.

Merci. Mèsi. Merci beaucoup.

Que l’esprit de coopération guide nos pas, et que notre unité rayonne au bénéfice des générations à venir.

 

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À propos de L'Organisation des États de la Caraïbe Orientale

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L'Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECO) est une organisation internationale dédiée à l'harmonisation et l'intégration économique, la protection des droits de l'homme et juridiques, et l'encouragement de la bonne gouvernance dans les pays indépendants et non indépendants dans la Caraïbe orientale. L'OECO est née le 18 Juin 1981, lorsque sept pays de la Caraïbe orientale ont signé un traité acceptant de coopérer entre eux, tout en favorisant l'unité et la solidarité entre ses membres. Le traité est connu comme le Traité de Basseterre, ainsi nommé en l'honneur de la ville capitale de Saint-Kitts-et-Nevis où il a été signé. Aujourd'hui l’OECO, compte douze membres, répartis dans la Caraïbe orientale comprenant Antigua-et-Barbuda, la Dominique, Grenade, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les Îles Vierges Britanniques, Anguilla, la Martinique, la Guadeloupe et Saint-Martin.

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